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La loi Carrez entre sans heurts dans la pratique

ANIL, Habitat actualité, juillet 1998


Les ADIL ont été plus souvent sollicitées sur la loi Carrez au moment de son entrée en vigueur qu'elles ne le sont un an après ; peut-être est-ce le signe qu'elle entre progressivement "dans les moeurs" sans susciter de difficultés inattendues, autre que celles qui résultent naturellement de toute nouvelle législation.

La majeure partie des questions soumises aux ADIL, qui émanent à parité des acquéreurs et des vendeurs, mais aussi parfois de professionnels, est d'ordre préventif et trouve une réponse découlant de l'analyse des textes ou de la recommandation de la commission de la copropriété de mars dernier : quel champ d'application de la loi, comment effectuer le mesurage, quelle surface prendre en compte, qui doit faire le mesurage ; le passage par un professionnel est-il obligatoire ; à quel moment doit-il être effectué ; quel est le coût du mesurage établi par un professionnel et qui dit en supporter le coût ?

Certaines questions parmi celles qui ont été soumises aux ADIL restent toutefois délicates.

Concernant le champ d'application, s'il est aisé de répondre aux nombreux acquéreurs ou vendeurs d'une maison individuelle et - assez surprenant- aux locataires qui pensaient que la loi s'appliquait à leur contrat de location, si la vente en l'état futur d'achèvement après avoir dans un premier divisé les juristes est considérée par la commission nationale de la copropriété comme hors du champ de la loi "Carrez", la question de l'application de la loi aux congés pour vente reste posée. Par prudence, et dans l'attente de l'appréciation des tribunaux, on conseillera aux bailleurs d'inscrire la superficie du logement dans le congé valant offre de vente qu'ils adressent à leurs locataires.

Dans la pratique, l'appréciation de la surface à prendre en compte, différente de celle qui sert à déterminer la quote-part de charges relatives aux parties communes soulève des interrogations : faut-il, notamment, prendre en compte la surface occupée par les installations sanitaires (baignoires, lavabos ...), les cuisines équipées en dur ? Les fractions de lots résultent-elles d'une division physique ou juridique ?

S'agissant du mesurage lui-même qui est une opération délicate, y compris pour les spécialistes, dès lors que le lot à mesurer n'est pas récent ou qu'il présente quelques complexités, on comprendra qu'il génère d'autant plus de difficultés que le vendeur n'a pas fait appel à un professionnel pour la rédaction de l'avant-contrat et qu'il a du mener du même coup, car cela va souvent de pair, fait l'économie d'un professionnel pour le mesurage.

Fort heureusement pour la sécurité juridique de l'acte de vente, la plupart des ADIL indique que le plus souvent le mesurage, sur les conseils du notaire qui l'effectue rarement lui-même, est fait par un professionnel : les géomètres-experts et les agents immobiliers viennent loin devant les architectes, les PACT, -ou des bureaux d'études qui trouvent dans le mesurage un nouveau champ d'activité-. Lorsque le vendeur confie la transaction à un agent immobilier, c'est le plus souvent ce dernier qui s'en charge.

Le tarif du mesurage est forfaitaire ou au m² mesuré. Il est parfois inclus dans les honoraires de l'agent immobilier, lorsque celui-ci est mandaté par le vendeur pour effectuer la transaction.

A titre indicatif, la fourchette la plus souvent citée par les ADIL se situe entre 800 et 1.500 F TTC selon la taille du bien à mesurer ; il est bien entendu que s'agissant d'indications, des tarifs différents peuvent être proposés en fonction de la complexité du mesurage.

Une douzaine d'ADIL signale des contestations d'acquéreurs qui ont vu la superficie diminuer entre la promesse de vente et l'acte authentique. Cela peut tenir au fait que des vendeurs "repentis" ont attendu la veille de la signature de l'acte authentique pour faire effectuer le mesurage par un professionnel.

On sait, également, - les notaires et les agents immobiliers le confirment -, que les vendeurs ont tendance à minimiser la superficie de leur appartement pour éviter les risques de contentieux ultérieurs.

En tout état de cause, la loi prévoit le recours en cas de défaut de mention de la superficie dans l'avant-contrat et l'acte authentique et en cas de différence entre la superficie réelle et celle qui figure dans l'acte authentique, mais lorsqu'une diminution de surface apparaît entre l'acte authentique et l'avant-contrat, quels sont les recours de l'acquéreur ? Dans la mesure où la surface qui figure dans l'acte authentique est exacte, l'acquéreur peut-il utiliser les voies de recours de droit commun pour prétendre à une diminution de prix ou à des dommages et intérêts avant de signer l'acte authentique ? L'analyse de cette situation fait l'objet d'une réponse nuancée de l'ANIL (cf. Actualité Réglementaire).

La loi "Carrez" ne semble pas avoir modifié le comportement des acquéreurs pour lesquels la "superficie visuelle" reste le critère déterminant dans le choix d'un logement ; toutefois, plusieurs ADIL signalent qu'elle a un impact indirect sur certains acquéreurs de maison individuelle qui semblent davantage prendre en compte la superficie.

En tout état de cause, par la sécurité supplémentaire qu'elle apporte, la loi contribue à rassurer les acquéreurs mais aussi les vendeurs, sachant qu'ils sont souvent l'un et l'autre à la fois.

Ces quelques éléments concernant l'application de la loi "Carrez" sont tirés des observations de 36 ADIL à partir de plus de 4.000 consultations (dont 2.500 à Paris) ayant eu trait depuis un an à la vente d'un lot en copropriété.

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